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Le Journal des Ecrivains

Drôle de Paix ’45’

dimanche 6 mars 2011

Souvenirs d’adolescence 38/45

Pas question de le faire chanter…

"Louis, tu chantes bien à tue tête lorsque tu rencontres le Jean-Marie Moreau, non pas le Jean-Marie de Simone. "C’est l’Jean-Marie, c’est l’Jean-Marie Moreau qui boit plus d’vin, qui boit plus d’vin que d’iau, que font tes p’tits cochions… je ne sais plus la suite…

"C’est pas d’même que la Morvandelle ! "

"Bon ! Alors raconte-moi un peu…"

"J’ai pas c’t’habitude là…J’mène les juments, j’suis ben tranquille d’habitude…"

"Oui, mais moi je suis avec toi, raconte moi la fenaison, la moisson…Ton père n’a pas voulu que je grimpe sur le chariot de foin, ni pour le blé à la batteuse.

"Ma pauv’fille ! T’es pas un gars et t’es qu’une gamine. Y avait des " chleus " partout à r’garder les vieux et les femmes qui faisaient des grimaces à soulever les gerbes, au père Barillot qu’était sur la batteuse avec ses gants en fer. Paraîtrait qu’c’était ton grand père qu’était à c’t’endroit jusqu’à c’qui trépasse. Paraîtrait qu’les servants n’allaient pas assez viv’ment ! "

"Oh ! Oui, Louis je me le rappelle bien et sa grande barbe blanche qui pendait depuis ses cheveux, de chaque côté. On aurait dit un Russe".

"L’était pas commode l’Pierre ! Y m’faisait peur"…

"C’est parce que tu étais petit ! "

"T’es t’y grande toi, à 15 ans bientôt ? "

Je baisse le nez. Vraiment, il ne me comprend plus. Il était bien plus intéressant lorsque nous allions à la Maison d’Ecole !

Mais c’est vrai qu’il connaissait tout de la campagne que je continuais, moi, à aimer de toutes mes forces.

Il savait par exemple les prés qui fleurissaient des premières violettes, et de plus ceux des violettes blanches et roses.

Il savait les ruisselets de printemps qui débordaient et regorgeaient d’œufs de grenouilles, il remplissait d’eau un pot en verre et y jetait dedans un ramassis gluant qui deviendrait des têtards, et ça c’était prodigieux ! Mais nous étions des enfants heureux. Tout était changé !...

Il connaissait les prés à mousserons, tout près des bouses de vache, que nous cueillions pour rapporter à nos fermes respectives.

C’était le spécialiste des prés à pissenlits nouveaux et croquants, et à l’automne, les prés de colchiques, que nous chantions, à l’époque : colchiques dans les prés, fleurissent, fleurissent…..

Il ne se perdait jamais dans nos forêts profondes du Morvan, il nommait les arbres. Sous tel arbre étaient les "chanterelles" (nom morvandiau des girolles). Les morilles se plaisaient mieux dans les taillis.

En regardant les empreintes des pattes dans la boue ou la neige, il reconnaissait le passage du renard, du chien, du sanglier dans nos vignes.

J’étais éperdue de souvenirs. Nous ne parlions plus, c’est-à-dire que je ne parlais plus. J’étais consciente que mon ami d’enfance n’était plus le même. Il aurait aimé être seul sur le chemin pierreux qui finirait aux Profonds de Vaux.

Ode

A suivre


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Raymond de Cagny