La Tribune des Valeurs

Une Institutrice exceptionnelle.

En MORVAN – La Maison d’Ecole

Notre institutrice était blonde comme les blés, avec le recul du temps, elle était en avance sur la mode. Elle possédait une jupe plissée violette, couleur rare pour l’époque, et des talons hauts.

Je me rappelle que les deux grands fils du forgeron se trouvaient assez souvent sur le bord de la forge lorsqu’elle descendait chercher le lait à la ferme. Ils lui faisaient la causette et disaient à qui voulait les entendre " Qu’elle n’était pas fière ! "

Les autres enfants et moi, garçons ou filles, tous étaient amoureux d’elle. Même la forte tête de la classe, classe unique bien entendu, car Grenois à l’époque devait compter une quinzaine d’enfants d’âge scolaire, même la forte tête, un gamin de " l’Assistance " comme disaient les natifs du pays, Corse qui mieux est, devenait tout miel lorsqu’elle le félicitait pour son agilité à grimper à la corde lisse.

Cette fée savait tout faire, dessiner, peindre, chanter, danser et par-dessus tout, elle savait aimer parfaitement les enfants.

Je me souviens de ses craies de couleurs avec lesquelles elle dessinait des épis de blé jaunes, et les plus jeunes savaient immédiatement reconnaître un " b " d’un " l ". Le chat avait une telle paire de moustaches qu’il était aussi vivant que celui de la Maison d’Ecole. Cette fée blonde vivait avec sa mère et un chien blanc " un loulou ".

Tous les mercredis c’était "Activités dirigées" mots étranges à entendre pour de jeunes enfants, mais qui consistait à découper des papiers de couleurs transparents, à les coller sur des supports de carton noir. Cela donnait d’admirables lanternes vénitiennes. Il y avait : la mère Michel, Frères Jacques, Dame tartine, Marie qui trempait son pain dans la sauce !…

Et les poteries ! Ah ! Les poteries ! Quelle histoire ! Il fallait posséder des écuelles en grés, des pots à lait ou des petits saloirs. C’était le plein pays de ces fameuses terres cuites, mais le plus difficile était de convaincre les parents de se séparer des quelques-uns uns de leurs ustensiles de travail pour les peindre.

" Pensez donc ! Après ce traitement ces pots ne pourraient plus servir, la Maîtresse d’Ecole avait de bien drôles d’idées, quand même ! "

Cette décoration consistait à faire couler du bord extérieur du récipient une langue de peinture rouge, par exemple, puis tout près, une petite traînée jaune, une autre de blanc. Le tout était de calculer l’épaisseur des préparations afin que les couleurs ne se mélangent que par endroit.

Ces poteries étaient vendues à l’occasion d’une Fête organisée par notre institutrice ou distribution des Prix. Maligne, elle invitait ses collègues des environs, et lorsque je vous raconte aujourd’hui, je pense que nos parents retrouvaient, en payant, des poteries qu’ils avaient données, un peu à contre cœur !

Pour la distribution des Prix, tout le village était réuni et chacun, chacune des habitants portait un panier de gâteaux, de fruits, de vins, de marc, et c’était la Fête ! Nous étions tous costumés, cotillons longs, coiffes en carton…..

Une chanson bretonne me revient :

Savez-vous, de Landerneau Ce que ma tante Monique Et mon oncle Jean Bruno M’ont apporté en cadeau ? Flic ! Et flic ! Et flic et floc ! Des sabots en cœur de hêtre Flic ! Et flic ! Et flic et floc ! Plus solide que le roc !

On les a si bien cirés Qu’ils brillent plus qu’une glace Et tant ils sont bien ferrés Plus que liège Ils sont légers….

Et nos sabots de claquer sur l’estrade poussiéreuse, à résonner encore dans mon cœur, malgré le temps écoulé….

Ode