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lundi 27 avril 2009
Souvenirs d’adolescence 1938/1945
Drôle de Paix
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Mémée Perrine, comme à l’accoutumée, était assise sur l’une des marches de pierre montant à la Grande Salle.
Elle sourit un peu. Elle était avare de sourires, de rires comme de pleurs.
Vous voilà dont, les filles. A table ! Te salis pas ta toilette, la Simone, toi l’Odette va te changer, t’es toute cochonnée !
Simone, on trinque, c’est du pas fort. C’est une liqueur à ma façon, de la goutte, bien sûr, mais j’fais un sirop et j’mets d’l’estragon.
Je revins, vite fait, nous trinquons.
Oh ! c’est bon !
Nous l’avons dit, toutes les deux, en même temps. Grand-mère est au paradis !
Elle avait bien tout préparé sur la toile cirée de la grande table de ferme, avec pour serviettes de table, des torchons blancs pliés en quatre, la miche de pain au centre, un pichet de vin, un pichet d’eau.
Je remarquai le couteau de grand père qu’elle gardait toujours avec elle. Elle l’emmenait même à Mériel l’hiver. Elle ne l’avait jamais égaré…
Nous avons mangé des tomates de son jardin avec ses herbes et des tranches d’œufs durs. Elle faisait toujours son vinaigre de vin. Je ne sais plus d’où venait ce qu’on appelait ‘une mère’ qui faisait un ramassis peu ragoûtant, au fond de la bouteille.
Nous avons bavardé comme des pies, en sauçant nos assiettes.
Son frichti c’étaient, en cocotte de fonte immense, un morceau de porc déssalé avec des lardons coupés minces, des feuilles de laitue sautées au fond avec des petits oignons blancs tout ronds, des carottes, des petits pois, des navets et le bouquet garni attaché avec du fil à bâtir.
Quel régal !
Mangez, mangez, mes belles, à savoir qui vous mangera !
Après, il y eu le fromage blanc frais, acheté ou troqué contre autre chose à une fermière voisine. Nous l’avons dégusté avec de l’ail fraîs.
Hum ! En vous contant mon histoire par le menu, je me dis : mais où y a-t-il de l’ail frais parmi notre béton actuel ?
Perrine, c’est bien bon ! Simone était heureuse, pourvu que ça dure !
Je vous ai fait du blanc-manger. J’l’ai parfumé à la fleur d’oranger, j’avais pas d’kirch. On l’metta dans des bols, j’ai pas aut’chose…
Je me levai et l’embrassai, les larmes aux yeux, et Simone de me rabrouer en disant :
Tu vas quand même pas pleurer en un si bon moment, oh ! la la !
Perrine me saisit la main et la serra. Pour pallier à la tristesse qui venait en moi de la savoir si seule, je lui demandai :
Mémée, tu nous ferais peut être des beignets d’acacia, les fleurs sont bien ouvertes…
Ben oui ! fillettes, mais faut m’chercher du saindoux chez la Jeanne et m’remonter l’échelle qu’est chez l’Père Barillot .
D’accord, dit la Simone, Dimanche l’Odette mange chez nous, après la Grand Messe. On rapportera l’saindoux, pas besoin d’échelle. Avec vot’ rateau et grande comme je suis, j’attraperai une branche de fleurs , et hop ! là.
Grand-mère était toujours d’accord, contente d’avoir de la compagnie. Le café fut fait, dans la cafetière bleue. Nous avions trois tasses, un peu écornées, mais peu nous importait. C’était la fête !
Nous eûmes même droit à un ‘canard’ (une goutte de goutte, sur un morceau de sucre) sorti de la boîte en fer traditionnelle.
Ode
A suivre...
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Raymond de Cagny