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Vie d’hier et d’aujourd’hui

La Fenaison suite

dimanche 2 mars 2008

MP3 - 3.2 Mo

Quand arrivaient onze heures, tout s’arrêtait. Le soleil était en plein dans son éclat. Il dardait sa chaleur sur toutes les choses. Tout brillait : les feuilles des arbres, les pierres, les ardoises des toits. On dételait les juments qu’on emmenait boire à la fontaine, après les avoir frottées, revenues, elles restaient tranquilles à se reposer comme nous ! On se rendait sous le gros noyer et là, je revois mon géant de grand-père campé droit, la chemise ouverte jusqu’à la ceinture de flanelle qui lui entourait les reins. Il attrapait le tonnelet de bois, en retirait le bouchon de liège, le levait haut, à bout de bras, et le vin de sa vigne jaillissait droit jusqu’à sa bouche ouverte. Le compagnon faisait de même.

On déjeunait, assis sous cet arbre, le plus frais qui soit, les deux hommes adossés au tronc, et moi entre les jambes de grand-père. Je me souviens de la timbale en argent dans laquelle grand-mère versait de l’eau de la fontaine qu’elle avait puisée et qui restait fraîche ; Quelques fois je traînais dans une poche une petite boîte plate, ronde et au couvercle coloré, emplie de poudre jaune appelée " coco ". Cela sentait l’anis. J’en mettais une petite pincée dans l’eau fraîche. Quelques fois, je posais même la petite boîte dans la bouche et je salivais tant que je pouvais !…

Qu’est-ce que je mangeais sous le noyer ? Sûrement le pain cuit par grand-mère, le fromage aussi de sa fabrication, les fruits de la saison. A propos de fruit, se trouvait, dans la Coumaine, pré que mes grands-parents fauchaient, un grand prunier qui donnait des fruits énormes, certainement du genre brugnon que l’on trouve aujourd’hui. Les Morvandiaux les appelaient " prunes de Monsieur ". C’est coquin ! Mais à l’époque je n’y voyais la subtilité grivoise…

Les femmes et les hommes se reposaient. Souvent, le compagnon ou mon grand-père émettait des sons terrifiants en dormant. Lorsque l’un ou l’autre se réveillait, ils levaient les bras au ciel, en s’étirant, je pensais que c’était une façon de grandir ! J’en faisais autant, mais le résultat n’était pas probant !

On attelait de nouveau les juments au chariot sur lequel grimpait l’un des hommes, l’autre, à l’aide de la fourche levée, jetait le foin de la meule dans ce même chariot en le répartissant, et le foin montait, montait. Je courais, courais à droite et à gauche, donnant des coups de sandales dans les chaumes d’où sortaient de grosses sauterelles. Elles ouvraient, pour s’envoler, des ailes roses ou bleues. Je regardais où s’était posé l’insecte, et ma course me menait d’un bout à l’autre du champ. Lorsque le chariot était empli à craquer, les hommes tiraient le gros cordage qu’ils tendaient en travers. Ils serraient de toute leur force avec une sorte de gros bâton qui faisait garrot.

Grand-père me hissait en haut et me nichait dans une petite place. J’adorais ça ! L’odeur, le picotement de l’herbe sèche, le cahotement sur le chemin empierré du retour ! …

Dans la tombée du jour, l’air était empli de parfums, de rumeurs proches ou lointaines. Le soleil baissait du nez vers l’horizon. Les haies vives devenaient des masses vert foncé. Le ciel rosissait et moutonnait de nuages. Bercée, je les regardais, j’inventais des troupeaux, le berger, un chien, un mouton tout seul, puis deux, puis trois…..

Grand-père me descendait endormie, et je ne me souvenais de rien d’autre.

Au matin, un jour nouveau reparaîtrait.

Ode


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Raymond de Cagny