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Le Journal des Ecrivains

Conversations de bistro chapitre 2

jeudi 20 mars 2008

La Buvette des Avocats Boulevard du Palais

Alors, toujours efficace dans le rôle des plaideurs ?

Comme vous le savez mon cher confrère, on fait ce que l’on peut. Entre une justice à réformer dans son ensemble, des procureurs tellement débordés qu’ils sont obligés, bien malgré eux, de se faire aider par des assistants de justice qui, à leur tour, doivent statuer sur des apparences, qui, de nos jours, conduisent beaucoup plus d’innocents en garde à vue que de crapules. Quand encore, cela s’arrête à la garde à vue sans bavure dramatique pour l’innocent présumé coupable.

Vous pensez vraiment que nous en sommes là ?

Bien sûr que oui. Je n’vous apprendrais rien en vous disant que l’exemple vient d’en haut. Si de temps à autre un homme politique puissant est appelé à comparaître devant une cour de justice pour malversation, comprenez bien que l’homme de la rue se dit ’’il est délinquant, pourquoi pas moi‘’ ?

Oui, sauf que l’homme politique sait comment se défendre et sera tout au plus condamné à l’inéligibilité pendant quelques mois, tandis que Monsieur Toulemonde fera 5 ans de placard dans le meilleur des cas. Permettez-moi de vous faire remarquer, mon cher confrère, que si nous n’avions que des délinquants de la politique à défendre, nos revenus seraient bien maigres.

Pourquoi ? Vous pensez qu’ils ne sont pas nombreux ?

Si, bien sûr qu’ils sont nombreux, mais très peu passent en justice et donc n’ont pas besoin de nos services.

Dans un sens, vous avez raison, heureusement qu’il y a l’homme de la rue et les innocents pour payer les pots cassés sans cela de quoi pourrions-nous bien vivre ?

Toute blague mise à part, ne trouvez vous pas ironique, mon cher confrère, que l’on ose encore prétendre que nul n’est censé ignoré la loi dans un pays où il n’y a pas moins de 58 codes et quelques 100.000 lois ? Pays dans lequel le meilleur des juristes ne connaît pas le dixième de ces lois, ni le dixième des codes dans lesquels elles se trouvent ? Et l’on a l’audace de condamner un innocent sous le prétexte aussi abusif qu’imbécile que nul n’est censé ignorer la loi ?

Trouvez-vous logique que l’on condamne un automobiliste par l’affirmation que l’on doit être maître de son véhicule ? Mais je me fais fort de faire avoir un accident à tout juge qui se trouverait au volant de son véhicule dès lors qu’il serait derrière le mien. Faudrait-il alors qu’il m’explique pourquoi il n’est pas resté maître de son véhicule ?

Tout ceci sans évoquer les dossiers qui traînent au cours de l’enquête, puis à l’instruction, et enfin au Tribunal. Tribunal qui, dans une proportion sans cesse grandissante, se déclare incompétent, après avoir fait perdre dans le meilleur des cas deux ou trois ans aux victimes, ce qui arrange très bien les coupables. Victimes qui deviennent avec le temps de véritables martyrs.

Vous conviendrez avec moi, qu’en plus des carences incontestables de notre justice, il nous arrive aussi, lorsqu’il nous manque des éléments, ou que nous ne sommes pas dans la possibilité de nous présenter aux dates convenues, de faire reporter une audience.

Vous n’êtes pas étonné que nos reports soient acceptés sans trop de difficulté ?

Pensez-vous, regardez, moi par exemple, quand j’arbore ma prestance, ma chevelure blanche et ma légion d’horreur… Personne ne moufte.

Légion d’horreur, vous y allez mal !

Vous trouvez, quand on sait qu’on la doit à Napoléon qui a fait plus de victimes qu’il n’a rendu de gens heureux… Sans parler de sa vulgarisation auprès d’une bande d’abrutis qui la reçoivent pour avoir donné un coup de pied dans une baballe.

Et vous-même, c’est pour avoir donné aussi un coup de pied dans une baballe qu’on vous l’a donnée ?

Non, moi… C’est pour avoir fait acquitter des assassins.

Enfin, il faut bien que nous fassions tourner nos cabinets dont les charges sont de plus en plus lourdes, non seulement nos clients se trouvent confrontés à des affaires qui s’éternisent et affectent leur moral de manière fort préjudiciable, mais pour tout arranger leur procédure leur coûte beaucoup plus chère qu’elles ne le devraient.

Pour en terminer sur une note que vous m’autoriserez à qualifier de comico-dramatique, je dois vous avouer que l’action en justice du dernier client que j’ai défendu a duré tellement longtemps que celui-ci est mort à l’audience. Cela est arrivé au cours d’une procédure entamée contre un service de pompes funèbres avec qui il avait fait affaire pour ses obsèques futures, et qui refusait de lui donner quittances des sommes qu’il avait déjà versées.

En quelque sorte affaire classée.

***


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Raymond de Cagny