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Le Journal des Ecrivains

DROLE DE PAIX 19

lundi 23 mars 2009

Souvenirs d’enfance 1938/1945

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MP3 - 3.5 Mo

LA DRÔLE de PAIX

"Entre don plus avant ! j’vas t’donner un peu d’sirop d’mûres".

Madame Pajot, la mémée a fait tremper la soupe, il ne faut pas que je reste trop longtemps, je reviendrai ces jours-ci pour vous voir et voir les filles…

"Viens t’en don demain partager mon midi t’auras l’jus d’ mures avec ton eau".

Je l’embrassai , elle piquait un peu…

Je me retournai et vis le cadre où était figé son mari dans sa jeunesse (il était mort "de la poitrine" à 30 ans) avec sa raie bien droite au milieu de ses cheveux noirs de jais, la moustache conquérante, le col blanc cassé et le nœud papillon.

Et de penser, en descendant les marches deux par deux, qu’elle devait avoir 60 ans passés, les cheveux déjà bien blancs et qu’elle avait toujours son époux jeune !

Je soupai avec Mémée Perrine .

Nous avons bavardé longtemps, la grande porte de bois vermoulu, ouverte sur le soir qui venait et rendait les choses différentes...

"J’vais ouvrir l’électricité" dit-elle.

Mon père la lui avait fait installer, depuis quelques années déjà. Elle en était fière, mais comme elle disait : elle l’épargnait !

Elle m’avait fait mon lit dans la seule petite pièce qui jouxtait la grand’salle. Cette pièce avait juste une petite fenêtre carrée et un escalier minuscule qui montait au grenier. Je dirais que c’était une geôle...

Grand-mère vit que j’étais réellement perdue…

Elle avait mis sur une table blanche, un grand plat creux et une cruche d’eau (certainement achetés à l’encan, par grand père), posé du savon, un gant de toilette et serviette, blancs bien sûr…

Sur un guéridon, près de mon lit, se trouvait une veilleuse à huile avec un abat-jour en verre coloré et perlé autour, une boîte d’allumettes suédoises parachevait le tout.

Ma Perrine, à qui je repense très fort, en vous racontant n’était pas bavarde, à ma façon !

Mais, elle pensait très vite et dit "J’laisse la porte de ta chambre ouverte, si tu peux pas t’ensomeiller, viens m’trouver".

Je remontai mon réveil et mis la sonnerie sur 6 heures.

Perrine me dit qu’elle serait levée depuis 5 heures et que le café au lait serait fait.

Je me couchai après m’être lavée un peu comme les chats…Fis ma prière , pensai à mes parents et bavardai encore un peu jusqu’à ce que grand-mère ne réponde plus.

Elle dormait et je m’endormis.

Mon réveil fit le tapage et je sautai du lit. J’ouvris ma fenêtre minuscule, elle était protégée des entrées intempestives par ce que l’on devait appeler, je crois, du vitrex, très très fin.

La grande table de ferme était toujours à la même place que dans ma tendre enfance , ma chaise aussi.

Les bols de faïence blanche attendaient le café dont la fumée sortait du bec de la cafetière en émail bleu.

Le lait avait été chauffé dans la même petite casserole bleue, sur le poële d’été allumé dehors. Le pain du Corneur attendait le beurre.

"Petiote, j’t’ai ouvert un pot d’confitures de rhubarbe. Moi j’en mange point, ça m’agace les dents qui m’restent…

Mange, j’t’ai chauffé d’l’iau dans la marmite su l’poële de dehors. T’iras l’quérir, c’est trop lourd pour mé"… 

Mémée me serra fort la main sur l’épaule, c’était sa façon pudique de me dire qu’elle était heureuse que je sois là .

C’est vrai qu’elle n’était pas "bicheuse" Je retrouvai, avec étonnement les mots de patois et les usages du Morvan, que je croyais avoir oubliés.

Ode

A suivre ...


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Raymond de Cagny