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Le Journal des Ecrivains

LA DRÔLE de GUERRE 1.

lundi 27 octobre 2008

LA DRÔLE DE GUERRE - 1

MP3 - 4 Mo

Mon école de Seine et Oise était toujours sur la Place des Ecoles, comme il se doit !

J’avais 11 ans.

Mais les lignes de punitions et leur contenu m’étaient finalement entrés dans la cervelle pour y rester. J’étais devenue " bonne en français ".

Mais Madame la Directrice ne m’aimait pas mieux pour autant. Avec le recul du temps, je crois qu’elle n’admettait pas l’erreur commise en me criant "Ouesnosker, je ne vous sortirai jamais de l’ornière "

J’avais nivelé mon chemin, et m’en étais sortie de l’ornière !…

En classe, le 1er septembre 1939, les sirènes ont hurlé en même temps que les cloches de l’Eglise ont sonné tristement. Ce tintamarre a déclenché mon rire idiot…

Madame la Directrice s’est levée de sa chaise comme un diable, l’estrade en a tremblé. Elle a crié " C’est la guerre, Ouesnosker !…

J’ai éclaté en sanglots, et toutes les autres filles se sont mises à pleurer. Mon rire était nerveux, bien sûr.

L’école a clos ses portes pour la fin de la journée, pas de classe non plus pour le lendemain.

Des bruits couraient… Depuis quelques temps déjà…A l’époque les parents ne parlaient pas ouvertement de ce que les enfants n’avaient pas besoin de connaître. Ils en discutaient entre eux lorsque nous dormions, en chuchotant, ou bien lorsque nous étions dehors.

J’avais bien vu que mon père avait reçu des papiers, mais sans plus.

A la sortie de ma classe, j’avais retrouvé Pierre et Jean. Tous les garçons braillaient tant et plus… La guerre, pensez la guerre !

Tous les 3 , nous avons pris la grande rue, jusqu’au N° 81 où nous habitions.

La question était " Est-c’que ton père va partir ? " Pierre a dit " Moi, mon père ne partira pas " ( son père avait eu le bras coupé au coude ) Jean a ajouté " Le mien est trop vieux ". Moi, je savais que mon père avait 40 ans. Devant mes larmes, les garçons ont dit " Il sera appelé, mais il sera à l’arrière ".

Moi : " qu’est-c’que ça veut dire ? Eux : Ca veut dire qu’il ne se battra pas, il n’aura même pas de fusil !

Chacun de nous trois est rentré chez lui, sans jouer comme à l’accoutumée.

Mon père, jamais très drôle, était semblable à d’habitude. Ma mère avait pleuré. Elle ne pleurait plus, mais son mouchoir chiffonné dépassait de la poche de sa blouse blanche de coiffeuse. Elle m’a prise contre elle et c’est tout.

Nous n’avions pas classe le lendemain. Pas question de jouer ou même de bavarder dans la cour. Les pères de Pierre et de Jean ont rejoint le mien dans cette cour, ils sont restés longuement à discuter.

Plus tard, dans la matinée, ma mère a sorti d’une armoire des coupons de tissus qu’elle achetait de temps à autre au marché en prévision de couture pour mes jupes, robes ou tabliers d’école.

J’avais toujours des tabliers noirs gansés de bleu ou de rouge avec des boutons de la même couleur. Maman brodait mon prénom sur le côté du cœur .

Je l’ai vue couper du tissu noir. (satinette)

" Qu’est c’que tu fais, maman ?" Pas de réponse…Reniflements …

Mon père vint à la rescousse et dit " Une musette" pour mettre mes vêtements. Je suis mobilisé. Je dois me présenter demain, à la Pharmacie Centrale des Armées.

Au moment où je vous raconte cela, je me revois, petite comme je suis restée d’ailleurs, me projetant sur la machine à coudre Singer, arrachant la satinette et hurlant " MAMAN, tu ne vas pas le laisse partir, ton mari !

Mes parents ont certainement dû m’expliquer des choses, calmement, avec beaucoup d’amour.

Mais savez-vous que la seule pensée que j’ai eue et que je n’ai pas osé leur dire, je vais vous la dire à vous des inconnus qui me lisez, ou qui m’écoutez : Si j’avais un mari, je lui couperais un doigt ou une main, comme le père de Pierre, il ne partirait pas à la guerre !

Ode.

à suivre


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Raymond de Cagny