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Le Journal des Ecrivains

LA DRÔLE DE GUERRE N°5.

lundi 1er décembre 2008

LA DRÔLE DE GUERE suite

MP3 - 3.8 Mo

Une bien fâcheuse découverte !...

Quelques fermiers commençaient à être avares de leur lait. Celui qui nous vendait notre litre de lait journalier avait osé demander à ma mère, née dans ce village, si elle n’avait pas apporté quelques savons à barbe de son salon de coiffure…Finaude comme elle était !...

Bien sûr, elle en avait.

C’était très amical, mais cela sentait déjà ce que j’ai appris à connaître "Le Marché noir".

Un soldat allemand, accompagné de notre bon curé qui parlait la langue de nos occupants ainsi que l’anglais (mais ça ne pouvait pas encore servir) arrivèrent à notre ferme, en quête d’une chambre.

Grand-mère, maman et moi ne possédions que 2 lits.

C’était raté pour Otto. C’était le nom de cet officier.

Il demanda à ma mère, toujours interprété par notre curé impassible, de lui préparer ses repas. Il ne mangerait pas en même temps que nous, ne nous dérangerait pas, nous paierait, etc…etc…

Je dirais, avec le recul du temps c’était un allemand BCBG.

Et tout à coup, ce fut Byzance ! Il m’envoyait, armée du panier à salade de grand-mère, chercher des œufs chez le fermier (celui des savons à barbe ) qui, un lapin, qui, un poulet, qui des pommes de terre, et tout et tout !...

Ce dont je me souviens bien c’est le jour où il a apporté lui-même un volatile pour que ma mère lui cuise « grillé ».

Maman n’a pu se retenir d’ébaucher une exclamation, et de déclarer "ce n’est pas poulet, mais vieille poule !"

Il était tout bête de ne pas comprendre la différence.

Ma mère, patiemment lui a expliqué en haussant le ton (pourquoi, d’ailleurs il n’était pas sourd, et comprenait quelques mots usuels).

"Il faut la cuire dans l’eau bouillante avec des légumes" et de répéter, comme Henry IV "Poule au pot" et de montrer à Otto, notre marmite.

Je n’ai pas honte, aujourd’hui européenne, d’avoir mangé ce jour là, un morceau de cette poule donné par un ennemi d’alors !...

Un autre jour, il regardait mes livres d’école. J’avais un livre de lecture et vocabulaire. La dernière page montrait une image de soldats allemands de 1870 qui fusillaient des civils.

Il a arraché cette page avec colère. Ma mère était blanche et moi, mal à l’aise. Il s’est approché de nous et a dit "ça Madame, mauvais… Guerre, mauvais !..."

Et voilà encore une découverte que j’ai gardée pour moi : il avait raison… Est-ce qu’il avait raison parce qu’il était vainqueur, et qu’il ne faisait pas ce genre de choses ? Il est vrai que cette image apportait la haine.

Quand il parlait à ma mère, il claquait les talons de ses bottes, et inclinait la tête. Il ne s’adressait jamais à grand-mère et fuyait son regard désapprobateur.

Un autre jour, après qu’il m’eût envoyée, avec la petite fille de l’Assistance publique, chercher un panier d’œufs, il a osé entrer dans le jardin de grand-mère où elle était.

Il a vu les groseilles.

Il a fait quelque chose que je ne connaissais pas Il a cassé des œufs, battus avec le lait dans un saladier. Il nous a fait égrainer les groseilles, les petites de l’AP et moi.

Il a pris la plus grande poêle de grand-mère Perrine, a mis du beurre dedans. Dehors, sur le poêle d’été, il a fait une énorme omelette aux groseilles. Il a sorti de sa capote un sac de sucre en poudre, l’a tendu à grand-mère. Elle a hoché la tête.

Maman a capturé le sac et a versé du sucre sur ce dessert allemand. Il faut dire que grand-mère était née en 1870, au siège de Paris, abandonnée aux marches d’une église.

Elle nommait Otto : le Prussien.

Ode. à suivre :


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Raymond de Cagny