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LE COEUR SUR LA MAIN ANGLE RUE DE CRIMEE ET AV. JEAUN JAURES PARIS 19 ème.
dimanche 27 juillet 2008
Le Cœur sur la Main angle rue de Crimée et avenue Jean Jaurès Paris
A la Mémoire de Gérard le Petit Horloger de la rue de Crimée.
Le soir de Noël, dans l’arrière salle.
Chers amis, Bonsoir.
Ah ! Monsieur Vankowitch, comme nous sommes heureux de vous voir. Nous commencions à être désespérés. Nous avions peur que vous ne partagiez pas notre veillée comme vous avez coutume de le faire maintenant depuis…
Oui depuis… bien longtemps.
C’est vrai, vous voyez, c’est en ces occasions que je remarque le plus le temps passé. Il y a si longtemps maintenant, si longtemps que vous m’avez accueilli pour la première fois, ce fameux soir de Noël où j’arrivais de ma Russie natale. On nous appelait les Russes Blancs à cette époque.
Je ne parlais pas un mot de français. Je me sentais sale. Je n’avais pas mangé ni bu quelque chose de chaud depuis 3 jours. Il me restait un rouble en poche que j’avais gardé pour être sûr d’arriver jusqu’à Paris. Paris où vous m’avez accueilli. Je vous ai fait comprendre que je voulais du vin chaud comme en buvaient les autres.
Je me rappelle que vous m’avez fait asseoir à la table du fond, dans l’angle. Vous m’avez servi un grand bol de vin qui sentait bon la cannelle. Je vous ai tendu mon rouble, mais vous l’avez refusé. Je me le rappelle comme ci s’était hier, vous avez dit NOËL…NOEL, vous m’avez souri. Après avoir bu ce liquide brûlant qui a réchauffé mon sang glacé, je me suis endormi sur la table. Vous m’avez laissé dormir jusqu’au lendemain matin.
Tout ce que j’ai eu après, c’est à vous que je le dois, et vous voudriez que je passe une soirée de Noël ailleurs qu’ici ?
La famille composée d’une douzaine de personnes de tous âges s’approcha de la grande table sur laquelle se trouvaient quelques victuailles, des fruits, et des boissons chaudes, du pain d’épice, du miel et de la confiture faite maison.
Après avoir grignoté ce qui leur faisait plaisir, les enfants s’approchèrent de Monsieur Vankowitch qu’ils imaginèrent être le père Noël. Cet homme avait une prestance impressionnante. De stature imposante, il avait une chevelure abondante et longue qui se mélangeait à sa barbe blanche.
Il s’était approché de la cheminée dans laquelle le feu crépitait. Assis dans un rocking-chair, il se balançait doucement en entonnant un air nostalgique de son pays. Bien qu’il laissa ses lèvres fermées sur sa pipe, on pouvait distinguer le timbre de sa voix chaude et Caractéristique que l’on retrouve avec émotion dans tous les chœurs russes.
Les enfants demandèrent, Monsieur Vankowitch, tu nous racontes une histoire ?
Mes histoires ne sont pas pour les petits enfants. Elles ne sont pas drôles.
Le chef de famille reprit : Depuis que nous vous connaissons, nous n’avons jamais passé une veillée de Noël sans que vous nous disiez l’un de ces merveilleux contes dont vous avez le secret. Ma femme et moi nous sommes souvent demandés pourquoi vous n’en faites pas un recueil que vous feriez éditer ?
Hé bien ! Peut-être seulement parce que dès que j’ai terminé l’histoire, je l’oublie. Elle disparaît de mon esprit aussi vite qu’elle y est entrée.
Comme c’est dommage, de si belles histoires.
Faites nous plaisir Monsieur Vankowitch, s’il vous plait.
Bien ! Alors nous allons essayé de faire simple, sans trop de mélancolie en gardant si possible le fil conducteur de Noël.
Je vais vous dire un secret, le plus important pour moi est le titre. Dès que je l’ai trouvé, alors, le récit vient tout seul. Quel titre allons nous donner à notre histoire de ce soir. Laissez-moi réfléchir quelques instants…
Les enfants en profitèrent pour approcher leurs petits fauteuils de celui du colosse, tandis que les autres s’installaient confortablement sur leurs sièges.
Je vous propose d’appeler mon histoire de ce soir :
L’homme qui ne croyait pas en Dieu
Il avait toujours évité, comme ses parent le lui avait inculqué au cours de son éducation, de parler politique, argent, ou religion.
Dans son fort intérieur, il ne comprenait pas à quoi rimaient toutes ses religions sans lesquelles, selon lui, il y aurait eu beaucoup moins de guerres, de martyrs et de morts.
De religion catholique Il avait été baptisé à sa demande à l’adolescence. Il se rappelait ce catéchisme dans lequel il était écrit que Dieu était infiniment bon, et infiniment aimable. Ce qu’il croyait avec foi à l’époque.
Ce n’est qu’en avançant en âge qu’il commença à se poser des questions face aux atrocités de la guerre.
Plus tard, il vit des femmes et des enfants martyrisés. Il rencontra la souffrance, la pauvreté, la misère. Il fut bien obligé alors de se demander si ce Dieu là était infiniment bon et infiniment aimable, et ce que serait notre monde s’il était infiniment mauvais.
Il pensait à ces barbares de toutes époques et sous tous les cieux qui dirigeaient les nations et qui, à eux seuls, obtenaient que des populations entières s’exterminent sans aucune raison.
Combien de soldats ne sont-ils pas revenus de ces guerres fratricides ? Combien d’infirmes, combien de mères éplorées ?
De toutes ces religions, il n’en trouvait aucune qui implore la sagesse et qui impose la liberté et l’amour
Tout en ressassant ses idées noires dans sa tête, accentuées encore par cette soirée de Noël, il regardait les marmots admirer, à travers les vitres des magasins de jouets, ceux dont ils rêvaient mais qu’ils n’auraient jamais.
Il ne pouvait pas admettre que certains soient suffisamment riches pour vivre aisément le reste de leur vie sans même avoir à travailler, à courber l’échine, à y laisser leur santé, tandis que d’autres avaient faim et froid. Il était malheureux de savoir que ces inutiles ne connaissaient pas la générosité.
Non, il ne pouvait pas croire que derrière tant de haine, tant d’injustice, tant de veulerie, un Dieu infiniment bon et infiniment aimable savoure ce spectacle sans intervenir.
Dans cette rue animée, il comparait ceux qui se jouaient la comédie en ce soir de Noël, essayant de croire qu’ils étaient gais et heureux, aux miséreux bien plus près, ceux-là de la triste réalité.
Il se sentit fatigué, mais ne ressentait aucune douleur. Bien qu’il fit un froid glacial, il éprouva le besoin de s’asseoir sur un banc où il venait quelque fois les soirées d’été.
Deux miséreux, un homme et une femme sans âge, se tenaient assis l’un contre l’autre. Il s’assit à l’autre bout du banc pour ne pas les déranger. Il se sentit comme dans du coton, la nuit lui sembla beaucoup plus noire. Seuls les vitrines et les phares des voitures lui semblaient briller.
Il regarda le ciel. C’était un soir de pleine lune, une de ces nuits magnifiques où la brillance de la lune est exceptionnelle. Cela fait généralement présager qu’il va geler à pierre fendre.
Tandis que le douzième coup de minuit sonnait en cette nuit de Noël, lui n’entendait plus aucun bruit. La rue s’était vidée. Les quelques piétons et les voitures circulant encore lui semblaient totalement silencieux. Son regard fut attiré par la clarté de la lune qui lui donna l’impression d’embraser le ciel d’une blancheur immaculée. Pour la première fois de sa vie il se sentait bien, calme, reposé, en accord avec lui–même. Il aperçut, au centre de cette lumière venue du ciel, une forme humaine vêtue d’une robe blanche. La forme, bien qu’encore très éloignée, s’approchait rapidement de lui. C’était un homme au visage rayonnant d’une grande pureté. Il portait la barbe. La paume de ses mains était dirigée vers lui, les bras légèrement écartés du corps.
Lorsque dans la nuit, les médecins du SAMU découvrirent son corps rigide toujours assis sur le banc, deux choses les stupéfièrent. L’homme avait un visage détendu et rayonnant. Ses pupilles étaient dilatées de manière tout à fait inhabituelle, comme-ci un projecteur d’une immense intensité avait éclairé son visage.
Dans l’arrière salle du Bistro, les enfants s’étaient endormis. Personne ne dit mot comme pour continuer de méditer sur ce qui est ou non. La maman essuya une larme qui coulait sur sa joue, dans l’âtre, le feu crépitait doucement.
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Raymond de Cagny