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Le Journal des Ecrivains

La drôle de Paix. 32

jeudi 21 janvier 2010

La Drôle de Paix

Souvenirs d’adolescence 38/45


- Simone, Jean-Marie, demain on ira rendre visite à Monsieur le Curé et à sa sœur. On leur portera un panier de quelques choses que je demanderai à Perrine, ça leur fera plaisir.

On ira s’asseoir sur le banc de pierre, dans le jardin de la retraite ! On racontera notre excursion à Brinon. Comme ça, il sera au courant avant que ta grand-mère la raconte de sa façon à ses pratiques !

Un jardin de Curé, çà a existé réellement à Grenois.

C’était enclos de murs de pierres inégales, moussues et touffues de petites fougères dans des trous peuplés de lézards. Des fleurs qu’on ne voit plus s’y trouvaient et jouaient, suivant la saison et l’heure, du soleil et de l’ombre, de la pluie ou du vent.

C’étaient des œillets mignardises, des muguets, des passe-roses dressées au garde à vous, des jonquilles, des coucous, des primevères, des violettes (même des blanches), des gros bleuets, des pivoines rouges ou blanches, des lupins, des gueules de loup et la fleur des communiantes : le lys…

A Simone et à moi, notre bon Curé nous en avait donné un, de son jardin, à chacune, pour notre Messe de communion, carillonnée, d’un dimanche de Juin, avant la drôle de guerre…

La Marie semblait d’accord su nos prévisions de visite au Presbytère qui n’est pas très loin de sa Ferme d’en Haut. Elle le dirait au Père. Bon, ce serait déjà ça !

J’avais le cœur serré de penser que la Marie, si belle et douce, était si seule.

Le Maurice, je le savais par maman, autour de laquelle il avait « tourné » avait la main leste, têtu comme pas un et braillard. Simone était tout ce qu’elle avait à elle…

Nous marchions donc tous les 4 derrière le troupeau, un chien à l’avant, l’autre à l’arrière, en bavardant de tout et de rien…

- Marie, Perrine nous invite à boire de sa frênette au retour, vous repartirez par les vignes, cela lui fera plaisir, à nous aussi.

- Merci, m’man pour la traite, j’étais contente d’aller à Brinon avec eux-deux !

- L’Odette, ta grand-mère dit rien que Jean-Marie s’promène en vélo avec toi ?

- Marie, tous les 3 on est allé à la Maison d’Ecole ensemble, petits, qu’est-ce qu’il y a de différent ?

- Ben ! Qu’vous êtes grands ! Tiens don !.. Perrine quit’garde, elle a pas peur ?

- Marie, tout change ailleurs. Ici, moins, bien sûr ! Mais Mémée vient passer tous les hivers à Mériel. Elle a un peu changé sa façon de voir. Elle a confiance et je n’ai pas envie de lui mentir.

Je lui raconte ce que je fais et qui je vois. Je te le dis à toi, Marie, je voudrais aller avec le Louis mener les juments à Profond d’Vaux. Je t’assure que je le demanderai au Maurice.

J’irai me mettre debout sur la margelle de l’abreuvoir et monterai à califourchon sur le cou de la Noire, près de sa crinière, Voilà !

- Dieu ! Dieu, l’Odette, t’ès t’y dev’nue foule ?

Jean-Marie et Simone éclatent de rire et la Marie se met à rire, d’un rire qui vient de très loin…

Je pense qu’elle pense que je n’oserai jamais ! Mais si, bien sûr, je le ferai !

Ce n’est pas ma faute si j’ai grandi avec deux garçons dans la même cour !

Nous avançons jusqu’au petit pont de bois fait de deux rondins équarris et liés ensemble. L’eau est basse, les vaches en profitent…Nous les humains trouverons à notre goût la frênette de grand-mère…

Le pré de Simone est là devant nous, clos par des aubépines. Deux gros piquets dressés supportent deux troncs d’arbres à l’horizontale logés dans des anneaux d’acier noir. On les tire pour faire entrer les vaches qui ne demandent que ça.

Les chiens les encadrent en faisant leurs importants ! Pas une d’elles ne reste en arrière, pressées qu’elles sont de brouter.

Nous refermons l’entrée du champ. Simone allait s’essuyer les mains sur sa jupe du dimanche. Elle avait oublié qu’elle n’avait pas le sarreau. Elle regarde un peu tendrement sa mère qui, elle, le fait sur sa blouse…

Jean-Marie et moi frottons nos mains l’une contre l’autre pour retirer les fibres de bois.

Et tout à coup, voilà notre Simone en pleurs, le long de la haie. La Marie l’attrape à bras le corps…

- Qu’as-tu ma fille, qu’as-tu don ?

- M’man, j’veux pas dev’nir fermière, j’veux apprendre à dev’nir sténo dactylo, j’veux aller à l’école à Clamecy, j’veux plus voir ni l’père, ni les frères qui nous prennent pour des souillons. J’peux plus m’man, ça fait des mois que j’peux plus…Si t’étais pas là, j’voudrais mieux mourir !

Et Marie, les larmes aux yeux, fait le signe de croix et porte à sa bouche la petite croix de sa chaine de cou…

- J’irai voir not’ curé avec vous trois demain. Parlons pu d’çà…ça m’damne ! Dieu ! Épargnez-nous ….

Ode

A suivre...


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Raymond de Cagny