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Le Journal des Ecrivains

Drôle de Paix 28

lundi 8 juin 2009

Souvenirs d’adolescence 38/45

LA DRÔLE de PAIX

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MP3 - 4.4 Mo

Et ma Simone, sans retenue devant Jean-Marie, éclate en sanglots qui la secouent comme un prunier dont on voudrait les prunes !

Jean-Marie est vraiment l’homme de la situation. Il se lève, soulève littéralement Simone de sur sa chaise, me laisse sur la mienne, pénètre dans le café. Il tient Simone par la main, et le cendrier dans l’autre.

Un ange passe ! Je suis seule, je termine ma menthe qui a chauffé quelque peu et j’attends.

Un autre moment passe. Ils ressortent tous les deux. Jean-Marie a toujours le cendrier à la main et l’autre dans celle de Simone.

J’interroge quand même : Alors, on s’en va ? Vous avez payé ?

-  J’ean-Marie a voulu tout payer… Je sors une petite pièce et la tends à Jean-Marie, en souriant, il la refuse .

-  Allez, en selle. On va aux vaches …
-  Mais, Jean-Marie, on va te voir avec deux filles, tu ne peux pas venir avec nous !
-  Mais si, d’ailleurs, je ne ma cacherai pas, il n’y a pas de raison. Ce serait plus gênant si c’était deux filles et deux garçons… Pourquoi se cacher sans arrêt. Où est le mal, dans la tête des vieilles filles. Leur temps est passé, le nôtre n’est même pas commencé avec cette drôle de guerre !

Stupéfaite par sa déclaration en tout cas d’accord avec lui, je dis : d’accord Jean-Marie, je dirai tout à mémée Perrine.

- Toi, Jean-Marie, ta grand-mère sera contente, j’en suis bien sûre !

-  Oui Simone, courage ! Fais pareil, sans rougir, sans te fâcher, en regardant tes parents, sans les narguer !...

Je ne peux m’empêcher de parler du cendrier Pernod jaune et bleu.

-  Eh bien ! Je l’ai demandé à la Patronne, lui disant que nous étions de jeunes français évacués et que j’aimerais bien avoir un cendrier d’avant la guerre ! J’ai ajouté poliment, en lui souriant, que les Allemands ne demanderaient pas la permission. Voilà !...

-Et tu sais l’Odette, la Patronne nous a biché tous les deux, elle a de la moustache qui pique !

Nous voilà sur nos selles chauffées à blanc en route pour Asnan et Grenois, cinq kilomètres seront vite avalés.

A la sortie de Brinon se trouvait une boulangerie. Il était 5 heures (17 heures pour les parisiens). La boulangerie était ouverte. En ces temps mémoriaux, les commerces comme boucherie, laiterie, étaient ouverts deux fois par semaine le matin et à 4 heures (16 heures) l’après-midi. Seules les boulangeries étaient ouvertes tous les jours : le matin, et l’après-midi à 16 heures.

Nous avions faim tous les trois…

Jean-Marie, toujours Jean-Marie : Allez, jeunes filles, venez avec moi, on entre dans la boulangerie. On dit : Est-ce que vous avez un peu de pain sans ticket ?

-  Tu crois ? Mais ils peuvent nous le vendre au prix du marché noir…

Je fouille mon petit porte monnaie pour y trouver mes piècettes de 50 centimes en aluminium avec francisque gauloise de l’Etat français du Maréchal, nous voilà !

J’en ai 6, une fortune !

Nous voilà tous trois poussant la porte qui se met à clocheter.

C’est une jeune femme tout en blanc qui arrive et nous sourit.

Avant que Jean-Marie n’ouvre la bouche, Simone annonce, avec son accent morvandiau , d’où nous venons, de Grenois en vélo, notre certificat d’études ici, il y a deux ans, que nous avons un peu faim, mais pas de ticket, et peu de pièces…

Elle donne le nom de son père : Le Maurice de la Ferme d’en Haut.

La jeune femme appelle sa belle-mère qui arrive, style grand-mère !

-  Ah oui ! j’connaissais ben ton pé ! y m’a fait ben tourner aux bals de la Sainte Rad’gonde ! t’y semble ben pareillement !

Jean-Marie donne le nom de sa grand-mère et moi de la mienne. Cette dame connait tout le monde à la ronde, 5 kilomètres n’est pas le bout de la France !

Elle s’enquiert de notre arrivée dans sa boulangerie. On recommence les explications…

-  Donnez y don la moitié d’un pain, ouvrez le en long pendant que j’va au Fournil quérir un peu d’saindoux.

Devant l’autorité de sa belle mère, la jeune femme a rougi. A voix basse, elle nous dit en souriant :

- Elle ne vous fera pas de misères, elle est dure de parole, mais bonne femme.

La porte de derrière s’ouvre et la bonne femme est là.

- Pousse toi don l’Yvette, sors un couteau pour étaler et couper ça en trois . C’est pas utile que l’monde vous voit. J’va mette les encas dans du papier journal. Vous mangerez plus loin, su l’talus.

Je ressorts mon porte monnaie de petite fille.

-  T’es t’y foule ? Sois ben gente, range moi tes sous. Y s’ra pas dit qu’j’ai vendu un quignon d’pain à 3 gamins qu’ont faim ! L’bon Dieu mettra ça dans sa balance aquand j’le verrai ! L’pu tard qu’ça peut. J’voudrai ben voir les Chleux partir les pieds d’vant !...

Ode

A suivre...


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Raymond de Cagny